Les Juifs du Comtat Venaissin peuvent-ils participer au scrutin en vue de la réunion de leur Province à la France?


Extrait du registre des délibérations de l’Assemblée générale des Commissaires d’Avignon et du Comtat, suivi d’une explication de la forme à procéder aux scrutins pour les élections et des règles principales relatives à l’activité et à l’éligibilité des citoyens.

Délibération faisant suite à l’article IV de l’acte fédératif du 7 février 1791 prévoyant la réunion des électeurs aux assemblées primaires. Le scrutin est fixé au dimanche 13 Mars. « Il n’y a aucune distinction à faire à raison des opinions religieuses et en conséquence les non catholiques jouissent des mêmes droits que les catholiques aux termes du décret du 14 novembre 1789. Cependant parmi les Juifs, il n’y a encore que ceux connus sous la dénomination de Juifs portugais, espagnols et avignonais qui soient citoyens actifs et éligibles suivant le décret du 28 janvier 1790. Sur quoi il faut observer que par Juifs avignonais, on entend en France tous les juifs du ci devant Etat du Comtat.»

Date de publication
1791-03-01
Siècle
18
Régime ou époque
Révolution française
Région
Europe de l'Ouest > France > Provence
Lieu d'édition
Avignon
Pays d'édition
France
Thématique
Emancipation
Type de document
Imprimé - Imprimés reliés
Langue principale
français
Format
In 8
Nombre de pages
12
Editeur - imprimeur
J.J. Niel, imprimeur de l'Assemblée des Commissaires de l'Etat d'Avignon et Vénaissin réunis
Propriété
Collection Nicolas Philippe
Remarques sur le contexte historique

En 1789, quand la Révolution éclate à Paris,le Comtat Venaissin est possession du pape depuis 1229.Faut il mettre un terme à cette situation et faire de cette principauté un territoire français ? Les 3000 Juifs qui y résident le souhaitent. Ces familles vivent à Avignon , Carpentras,l’Isle de Venisse ( devenue l’Isle sur Sorgue), et Cavaillon où elles ont trouvé refuge en 1306 quand Philippe le Bel les a expulsés du royaume de France. Le 28 janvier 1790, l'Assemblée Nationale française a reconnu les Juifs "avignonais, espagnols et portugais" citoyens à part entière. Les Juifs du Comtat aspirent à bénéficier de cette égalité en devenant français Mais la question de la réunion à la France divise la population et certains Comtadins veulent préserver l’autonomie d’une Province dont ils voudraient seulement faire évoluer le statut politique. Inspirés par les révolutionnaires français, ils imaginent de réduire la toute puissance du pape mais sans la faire disparaitre. Ils se constituent en mai 1790 à Carpentras en « assemblée représentative » du Comtat Ces divergences entre Avignon , favorable à l’union avec la France, et Carpentras qui y est hostile provoquent le 10 juin 1790 une rixe sanglante entre partisans des deux camps. Des coups de feu sont échangés, des opposants sont pendus Deux jours plus tard, la municipalité d’Avignon proclame unilatéralement son rattachement à l’hexagone. 36 chefs de famille juifs dont le rabbin signent une pétition appuyant cette démarche. Leur enthousiasme est bien compréhensible : la municipalité ayant décidé de l’application immédiate de toutes les lois déjà votées par l’Assemblée Nationale, les Juifs de son ressort bénéficient en théorie de l’égalité des droits proclamée le 28 janvier 1790.Conséquence immédiate, ils sont aussitôt dispensés de continuer à porter le chapeau jaune dont ils étaient affublés et ils peuvent s’établir en dehors des murs leur quartier, dénommé la « carrière » De son côté, l’assemblée représentative du comtat , qui a reçu une délégation juive le 17juin affirme que le statut des juifs doit être amélioré mais qu’ils ne peuvent devenir citoyens actifs. Ils ne peuvent donc participer à un scrutin A Carpentras , le port du chapeau jaune est supprimé officiellement le 28 octobre 1790 mais le décret , non publié ,n’est pas appliqué. Les Juifs , accusés d’être du camp adverse, sont malmenés , insultés ; le 1janvier, le maire veut interdire toute sortie hors de la carrière. Le 10 janvier 1791, le parti français saccage Cavaillon qui n’a pas fait allégeance à Avignon. La guerre est ouverte. Le 7 février les Avignonais et le Comtadins favorables à la réunion avec la France concluent un pacte fédératif . Il prévoit en particulier l’élection d’une assemblée électorale du Vaucluse destinée à la constitution d’un département français sous ce nom Les Juifs peuvent-ils participer à ce scrutin qui doit décider le 13 mars 1791 du sort de la Province? Peuvent ils être considérés comme des citoyens actifs d’un Etat dont ils ne sont pas encore les sujets ? C’est ce que soutient le texte sous nos yeux qui relève que le texte émancipateur du 28 janvier 1790 visait notamment « les Juifs avignonais « L’argument est le suivant : Les Juifs comtadins sont habituellement désignés comme « avignonais » ; ils sont donc bénéficiaires du décret de l’Assemblée Nationale. En réalité le texte émancipateur visait les seuls Juifs d’origine avignonaise vivant sur le territoire français , essentiellement à Bordeaux Les historiens considèrent tous que les Juifs comtadins ne pouvaient être alors considérés comme citoyens actifs : "No local decree order or regulation could be found indicating that the Jews from the papal provinces could benefit in any way from the law of January 28, 1790" ( Szajkowski p. 468, Moulinas dans le même sens)

Mais ces historiens n'ont visiblement pas eu connaissance du document sous nos yeux , qui n'est pas référencé dans la bibliographie de Szajkowski, la plus complète sur le sujet.

 

L’opinion de ces commissaires a-t-elle été suivie ? Les Juifs du Comtat ont-ils participé par leur vote à la création du département du Vaucluse ? Les Juifs du Comtat vont obtenir les droits civiques et le droit de vote par suite de délibérations locales : à Avignon les 10 et 11 juin 1791, à Carpentras le 20 Juillet 1791. Le 14 septembre 1791, le Comtat Venaissin est réuni à la France.

Bibliographie
Szajkowski, The sepharadic jews of France during the revolution of 1789, 1955
N° boîte
B04
N° d'inventaire
D011
Permalien
https://fhju.fr/idurl/1/1609


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