Shraga Madpiss (antérieurement Drukarsky) anciennement russe puis ottoman acquiert à titre provisoire la nationalité palestinienne qui n'existe pas


Certificat provisoire de citoyenneté palestinienne délivré à Shraga Madpiss, daté du 4 octobre 1922.

Né à Ternowke (Russie), âgé de 23 ans, marié à Rachel, âgée de 21 ans, un enfant Nachman, âgé d'un an et demi. Tampon du Gouverneur du District de Jaffa. Sur la ligne "Nationality renounced", il est indiqué : "Russian (naturalisé Ottoman)". L'appartenance religieuse (juif) est aussi mentionnée.

Voir document en lien : 

https://fhju.fr/idurl/1/213 

Date de publication
1922-10-04
Siècle
20
Régime ou époque
Mandat britannique - Troisième Alya
Région
Proche et Moyen-Orient > Palestine ottomane
Lieu d'édition
Jaffa
Pays d'édition
Palestine ottomane
Parcours de vie
Shraga Madpiss
Thématique
Sionisme > Alya
Immigration > Conditions d'entrée - Droit à l'immigration
Type de document
Certificat - Attestation administrative
Langue principale
anglais
Langue secondaire
hébreu
Format
In 4
Nombre de pages
2
Présence d'une illustration
Photographie de Shraga Madpiss
Propriété
Collection Nicolas Philippe
Remarques sur le contexte historique

Comme de très nombreux immigrants russes en Palestine, Shraga avait donc conservé sa nationalité d’origine mais s’est retrouvé en difficulté lorsque les Turcs ont en 1914, choisi le camp de l’Allemagne : il est alors devenu le citoyen d’un Etat ennemi et comme tel, menacé d’expulsion. Sur la recommandation de certains dirigeants sionistes (Ben Gourion) de nombreux Juifs russes vivant en Palestine ont alors opté pour la nationalité turque, risquant  d’être enrôlés dans l’armée ottomane (Segev, One Palestine complete p. 16.) Les Turcs perdent  tout soutien de la population juive quand au printemps 1917, ils ordonnent l’évacuation de Tel Aviv et Jaffa.

Le  certificat de Madpiss est daté du  24 Juillet 1922. Trois mois avant,  le Conseil de Sécurité de la SDN a adopté  en faveur des Anglais un mandat sur la Palestine. L’institution d’un mandat est une innovation en Droit international. Elle est introduite à l’article 22 du Pacte de la Société des Nations ( SDN) qui a été créee par le Traité de Versailles en 1919.Le mandat international consiste à mettre sous tutelle un territoire en vue de conduire sa population à la constitution d’un Etat indépendant. Le mandat sur la Palestine est particulier : les Anglais doivent à la fois protéger la population locale et agir en faveur d’un foyer national pour le peuple juif. L’équilibre est périlleux. Le 10 août 1920,l’article 95 du Traité de Sèvres vient en préciser les contours : « Le Mandataire sera responsable de la mise en œuvre de la déclaration originairement faite le 2 novembre 1917 par le gouvernement britannique ( déclaration Balfour) et adoptée par les autres Puissances Alliées en faveur de l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif, étant bien entendu que rien ne sera faitqui pourrait porter préjudice aux droits civils et religieux des communautés non juives en Palestine , non plus qu’aux droits et au statut politique profitant aux Juifs dans tout autre pays »

Les Anglais doivent donc , selon l'article 6 du Mandat, faciliter l'immigration juive sans porter atteinte aux droits et à la situation des autres parties de la population.

Pour la première fois dans l'histoire, la Palestine est « reconnue comme une entité politique distincte au niveau international » (Qafisheh p. 10).Mais la situation juridique est compliquée car le mandat britannique n'entre en vigueur qu'à compter du 29 septembre 1923. Avant cette date, le territoire de la future Palestine demeure un territoire turc même s'il est occupé par les Anglais depuis 1917.Les résidents du pays demeurent citoyens ottomans puisque  la nationalité palestinienne n'existe pas encore 

Comment Madpiss peut il , par ce certificat , acquérir une nationalité qui n'existe pas?

A compter du 1 juillet 2020, les Anglais ont mis en place une administration civile qui remplace les militaires. Sa Doctine est fixée dans un Livre Blanc pour la Palestine en date du 3 juin 1922. La  Grande-Bretagne, en tant que puissance occupante, a l’obligation de protéger ces ressortissants. Alors qu’elle ne dispose pas du Mandat, elle décide donc de marquer la séparation entre la Palestine et la Turquie, en particulier en délivrant aux résidents ottomans de la Palestine ce type de certificat de nationalité provisoire. Ces certificats sont  reconnus par les pays étrangers et permettent à leurs détenteurs  de recevoir la protection et l’assistance d’un officier consulaire britannique. Ils sont en principe délivrés aux seuls citoyens ottomans nés en Palestine. Ce qui n’est pas le cas de Shraga Madpiss, qui est russe d’origine, né en Russie, devenu ottoman. En lui délivrant ce certificat, les Anglais anticipent l'application de  l’article 7 du mandat de la SDN, non encore en vigueur :Selon ce texte, " L'administration de la Palestine assumera la responsabilité d'édicter une loi sur la nationalité. Cette loi comportera des clauses destinées à faciliter aux Juifs qui s'établiront en Palestine d'une façon permanente l'acquisition de la nationalité palestinienne. "Les Anglais veulent donc aussi intégrer les Juifs non ottomans déjà établis en Palestine. L’Order du 1er septembre 1922 permet à toute personne d’une nationalité autre qu’ottomane et établie en Palestine à cette date de se porter candidat pour la citoyenneté palestinienne dans les deux mois. Peuvent en bénéficier les ressortissants russes qui ont été contraints d’adopter la nationalité ottomane pendant la guerre. Selon le document qu’il signe, Shraga est exactement dans cette situation. 19 293 certificats provisoires furent ainsi accordés (Qafisheh p. 14).

Bibliographie
Mutaz M Qafisheh, "Genèse de la citoyenneté en Palestine et en Israel", Nationalité palestinienne de 1917 à 1925, Bulletin du Centre français de recherche à Jérusalem, 21/2010. Segev Tom, One Palestine completed.
N° boîte
B11
N° d'inventaire
D003b
Permalien
https://fhju.fr/idurl/1/242


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