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L'élève juif Adolf Margulies, scolarisé au lycée "Adolf Hitler Schule"de Chemnitz 1937

Bulletin scolaire d'Adolf Margulies, scolarisé à la "Adolf Hitler Schule". Note aux diverses disciplines, signature de l'élève et signature du professeur W. Barth. Bulletin daté de l'année 1937. Adolf Margulies est "de religion mosaique". La précision est fournie par son enseignant W. Barth à l’encre sous la forme d’une abréviation discrète "mos", il faut comprendre "mosaiches" à la deuxième ligne.

Etre admis au lycée Adolf Hitler est un privilège rare pour un enfant juif. En application d’une loi du 25 avril 1933 "contre la surcharge des écoles et des Universités du Reich", les établissements scolaires ne peuvent accueillir plus de 5% d’élèves juifs. En 1937, plus de la moitié des enfants juifs est déjà exclue du système scolaire public. Les Juifs sont peu nombreux dans cette petite ville de Saxe ; c’est pourquoi Adolf Margulies peut poursuivre ses études dans une école publique. Adolf souffre-t-il en classe de son appartenance raciale ?

Dans l ‘Allemagne nazie, la neutralité de l’enseignement est abolie. Le nazisme est vérité unique, incontestable. Les enseignants sont tous membres de l’organisation professionnelle ; Barth, comme tous les autres professeurs, a prêté serment d’être "fidèle et obéissant vis à vis d’Adolf Hitler". Selon la loi des fonctionnaires de 1937 les enseignants sont "les exécuteurs de la volonté de l’Etat soutenu par le parti" et prêts "à tout moment à défendre sans réserve l’Etat national socialiste". Mais tous ne sont pas des hitlériens ; en tous les cas, Barth ne l’est pas. c’est un vieux monsieur chauve, aimable, gentil, fluet, qui se préoccupe du bien être de ses élèves. Un de ses anciens élèves, Jürgen Bongardt, se souvient avec émotion qu’en 1944 Barth les bourrait de plaquettes vitaminées.

Le système de notation du lycée Adolf Hitler de Chemnitz est assez sommaire ; les élèves sont notés sur une échelle de 1 (très bon) à 4 (insuffisant) ; Adolf Margulies a 3 de moyenne. En clair, il se situe dans la seconde partie de la classe, plus proche du bonnet d’âne que du lauréat. Adolf Margulies est doué pour le sport. Selon le carnet, il est "sehr gut" en gymnastique. Adolf Margulies en tire grand prestige dans son entourage. Depuis une quinzaine d’années, l’Allemagne s’est éprise pour l’activité physique et la compétition sportive. Dans toutes les disciplines collectives, le nombre de licenciés et de spectateurs a décuplé, les boxeurs et les coureurs deviennent des héros nationaux, les journaux fourmillent de records de vitesse et d’adresse. "Les garçons de vingt ans avaient la tête farcie de résultats, de noms, et de ces hiéroglyphes chiffrés." (1) Adolf Margulies est l’un de ces jeunes gens. Ce grand garçon de 17 ans est sportif. La note de gymnastique octroyée à Adolf Margulies n’est elle pas un acte de résistance du brave monsieur Barth ? Un refus d’admettre que les Juifs seraient comme l’affirme l’idéologie officielle des sous hommes réfractaires à tout effort physique ?

Dans Mein Kampf, son livre programmatique devenu selon Der deutsche Erzieher, l’organe officiel des éducateurs "notre guide pédagogique infaillible", Hitler écrivait quelques années auparavant : "dans un Etat national, tout l’enseignement doit tendre non pas à entasser les connaissances, mais à bâtir des corps physiquement sains." Ironiquement, Adolf Margulies, membre d’une race dégénérée, a répondu à l’injonction.

En dehors de la note de sport, une seule autre se dégage de cette grisaille : il est bon (2) en allemand. Son père Menasche qui a signé ce carnet peu fameux le parle médiocrement. Originaire de Sedziszow, petit village de Galicie où il est né le 7 décembre 1890, c'est un immigré récent, pas un juif allemand de souche ; sa langue, c’est le yiddish, le "jargon" comme disent les vrais Juifs allemands, les yeke. Menasche s’est installé à Chemnitz après la guerre, Adolf y est né le 12 juillet 1920.

Voir document en lien : https://fhju.fr/idurl/1/1734