Le Journal de Lyon relate la première réunion de l'Assemblée des Juifs convoquée sur ordre de l'Empereur.(pages 5 à7).Ce document a le grand mérite de reproduire le discours du Comte Molé, qui expose la pensée du pouvoir à l'égard des Juifs.
« Les commissaires de l’Empereur pour traiter les affaires relatives aux Juifs se sont rendus aujourd’hui 29 juillet 1806, selon les instructions qu’ils en ont reçu de son Excellence le Ministre de l’Intérieur à l’Hôtel de la Préfecture du département de la Seine pour porter à l’assemblée des députés juifs() la série des questions qui doivent faire le sujet des délibérations de cette Assemblée d’après les ordres de Sa Majesté »
Molé prend la parole:
« Appelés des extrémités de ce vaste Empire, aucun de vous cependant n’ignore l’objet pour lequel Sa Majesté a voulu vous réunir.Vous le savez, la conduite de plusieurs de ceux de votre religion a excité des plaintes qui sont parvenues au pied du trône. Ces plaintes étaient fondées et pourtant l’empereur s’est contenté de suspendre le progrès du mal et il a voulu vous entendre sur le moyen de le guérir. Vous mériterez sans doute des ménagements si paternels et vous sentirez quelle haute mission vous est confiée. Loin de considérer le gouvernement sous lequel vous vivez comme une puissance de laquelle vous avez à vous défendre, vous ne songerez qu’à l’éclairer, qu’à coopérer avec lui au bien qu’il prépare et ainsi, en montrant que vous avez su profiter de l’expérience de tous les Français, vous prouverez que vous ne vous isolez pas des autres hommes. Le lois qui ont été imposées aux individus de votre religion ont varié par toute la terre : l’intérêt des monarques les a souvent dictées. Mais de même que cette assemblée n’a point d’exemple dans les fastes du christianisme,de même , pour la première fois vous allez être jugés avec justice et vous allez voir , par un prince chrétien, votre sort fixé.Sa Majesté veut que vous soyez français. C’est à vous d’accepter un pareil titre et songer que ce serait y renoncer que de ne pas vous en rendre digne »
Il leur annonce qu’on va leur donner lecture des questions qui leur sont posées et il leur enjoint d’y répondre avec franchise
« Sa Majesté avoulu , Messieurs , que vous jouissiez de la plus grande liberté dans vos délibérations. A mesure que vos réponses seront rédigées, votre Président nous les fera connaitre. Quant à nous , notre vœu le plus ardent est de pouvoir apprendre à l’Emperur qu’il ne compte parmi ses sujets de la religion juive que des sujets fidèles et décidés à se conformer en tout aux lois et à la morale que doivent suivre et pratiquer tous les Français »
Il est donné lecture des questions .Le président (Furtado, pas nommé dans l’article) prend la parole et exprime la reconnaissance de tous les juifs habitant les territoires de l’Empire pour les volontés paternelles de SM
"Vive l’Empereur" s’écrie l’assistance à plusieurs reprises
Les commissaires demandent et obtiennent qu’il leur soit donné acte du dépôt des questions Puis , conformément aux instructions reçues , ils annoncent qu’il est convenable qu’ils se retirent « quoique divers membres de l’assemblée manifestassent le désir d’être entendus par eux »
- Date de publication
- 1806-08-07
- Siècle
- 19
- Régime ou époque
- Premier Empire
- Région
- Europe de l'Ouest > France
- Lieu d'édition
- Lyon
- Pays d'édition
- France
- Thématique
- Intégration à la vie nationale > Engagement politique
- Type de document
- Journal imprimé
- Langue principale
- français
- Format
- In 8
- Nombre de pages
- 8
- Editeur - imprimeur
- Journal de Lyon. Imprimerie de J. Roger
- Propriété
- Collection Nicolas Philippe
- Remarques sur le contexte historique
Le discours de Molé est "quelque peu hautain et menaçant"(Anchel p 186). Il reprend les accusations d'usure portées contre les Juifs d'Alsace , sans toutefois reprendre le terme.Il parait ignorer que les Juifs sont français depuis 1791 quand il s'écrie: Sa Majesté veut que vous soyez français. C’est à vous d’accepter un pareil titre et songer que ce serait y renoncer que de ne pas vous en rendre digne .. " Il reproche aux Juifs de vivre séparés des Français.
Molé a déjà exprimé ses sentiments hostiles devant le Conseil d'Etat . En 1806, le gouvernement avait demandé à cette Assemblée de préparer des mesures discriminatoires contre les Juifs. Molé , qui est membre du Conseil d'Etat avait alors rédigé un rapport en ce sens. Le président de la seciton de l’intérieur du Conseil d'Etat Regnault de Saint Jean d’Angely qui avait été un des principaux acteurs de l’émancipation des juifs en 1791 a rejeté son projet et l' a remplacé par Beugnot .
Le Conseil d'Etat considère dans sa majorité que l'accusation d'usure adressée aux seuls Juifs n'est pas admissible. Dans tous les départements , y compris ceux dans lesquels il n'y a aucun juif, les préfets font remonter des plaintes de paysans qui protestent contre des taux d'intérêt trop élevés. Il y aurait donc lieu d'adopter une mesure générale définissant l'usure et non une mesure particulière contre les Juifs
Cambaceres, président du Conseil d'Etat demande que Beugnot prononce son rapport , qui va dans ce sens ,devant l’empereur Celui ci s’irrite de la position du Conseil d'Etat .Mais il ne veut pas tomber dans l’arbitraire.
Alors Napoléon reprend une idée ancienne que son ministre Portalis lui avait soumise quelques années plus tôt après avoir consulté des Juifs de Paris: engager une réforme générale du culte mosaique
Pour la mener à bien , il fait convoquer cette Assemblée des Juifs mais en donnant à Molé un premier rôle. Il n'est donc pas étonnant que Molé prononce un tel discours.
Selon Philippe Sagnac,« Molé était tout à fait hostile aux Juifs et il le montrait bien avec son caractère vif , emporté et menaçant.Les Juifs le détestaient () On tenait assez généralement pour certain que son arrière grand-mère, fille de Samuel Bernanrd était d’origine juive et que sa fortune lui venait de cette alliance".
- Bibliographie
- Anchel, Napoléon et les Juifs
.Ph Sagnac « Les Juifs et Napoléon », RHMC,p 595-626, 1900
F Delpech. « Les Juifs en France et dans l’Empire , La genèse du Grand Sanhédrin » , annales historiques de la révolution française , 1979
- N° boîte
- B03
- N° d'inventaire
- D008e
- Permalien
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