"Quelle journée mercredi ! Ce coup de théâtre dévoilé avec miel et vinaigre par le substitut en plein Tribunal"Edmond Gast, à Melle Cabarrus, sd (23 septembre 1898)


« Quelle vie , quelle torture et cependant quel espoir de voir toutes ces horribles infâmies se transformer un jour en autant de choses glorieuses pour Picquart. Qu’on ait entassé tant de vilénies sur son compte , personne de nous n’en doute et cela depuis longtemps. Vous pensez tout ce que leur haine de faussaires découverts a pu leur suggérer et comme ils ont compris quel effet le nom de faussaire appliqué de son propre aveu à Henry a fait dans le public, ils se disent que la meilleure calomnie c’est de faire de Picquart le pendant d’Henry et le pire c’est qu’ils souhaiteraient que cela fut vrai pour l’honneur même de l’Etat Major.Ils les mettraient en pendant à côté de la pendule qui marque toutes leurs infamies !() Quelle journée mercredi ! Ce coup de théâtre dévoilé avec miel et vinaigre par le substitut en plein Tribunal ! L’émotion générale ! Puis la courageuse improvisation de Labori à côté de Pellieux et de Gonse terrifiés ! Puis la déclaration de Picquart décuple, mais faisant frissonner l’auditoire. Enfin dans mes bras ! Et l’ovation montant jusqu’au faite du Palais, indomptable, dominant, tout. La vérité se glorifiant elle-même. Et maintenant le Cherche Midi avec son secret, plus d’avocat, plus personne, le silence l’espoir d’affoler cet esprit si calme, sans défense , au milieu d’embuches ; j’ai déjà demandé l’autorisation de le voir. On me la refusera probablement. J’insisterai avec violence. C’est à moi maintenant de travailler pour lui, comme Mathieu Dreyfus a secouru son frère et je n’y manquerai pas() Mais j’apprends ce matin que la conclusion de la commission est favorable à la Révision, c’est là le but, le vrai, le seul !() Je ne sais pas encore la réponse du Ministre au Conseil ce matin mais je la suppose favorable. Néanmoins , j’ai toujours peur quand ce n’est pas un fait acquis.() La lutte touche à son apogée( ) Je sais que le Colonel va très très bien , ce sont ses propres mots »

Auteur
Gast, Edmond (1857-1944)
Date de publication
1898-09-23
Siècle
19
Régime ou époque
Troisième République
Région
Europe de l'Ouest > France
Lieu d'édition
Paris
Pays d'édition
France
Parcours de vie
Affaire Dreyfus
Thématique
Acte judiciaire > Affaire Dreyfus
Type de document
Lettre manuscrite
Langue principale
français
Format
In 8
Nombre de pages
4
Propriété
Collection Nicolas Philippe
Remarques sur le contexte historique

Gast témoigne dans cette lettre de l'audience correctionnelle du 21 septembre réunie pour statuer sur la demande de libération de Picquart présentée le 8 septembre. Picquart est en détention préventive   depuis le 8 juillet 1898, accusé d'espionnage pour avoir permis à son avocat Leblois de consulter des documents du dossier à charge contre Dreyfus.

Le coup de théâtre:  le substitut annonce àl'audience que l'autorité militaire porte plainte contre Picquart sous l'accusation de faux. 

 Le colonel est accusé d'avoir falsifié une pièce " le petit bleu". Pour les chefs militaires, l'objectif est clair:"discréditer le témoin principal de Dreyfus, intimider , dérouter le commission consultative" ( Reinach T4 p299)

La déclaration de Picquart qui fait frissonner l'auditoire

La déclaration est restée célèbre: "J'irai peut être ce soir au Cherche Midi.C'est probablement la dernière fois avant cette instuction secrète que je puis dire un mot en public.Je veux que l'on sache, si on trouve  dans ma cellule le lacet de Lemercier Picard ou le rasoir de Henry que ce sera un assassinat , car jamais un homme comme moine pourra avoir, un instant l'idée du suicide. J'irai le front haut devant cette accusation et avec la même sérénité que j'ai apportée toujours devant mes accusateurs " ( l'instruction Fabre p 320)

 

La Commission consultative :

Sur la base de nouvelles preuves de l'innocence de son époux , Lucie Dreyfus a déposé une demande de révision du procès. La recevabilité de la demande est instruite par une Commission de 6 membres ( 3 conseillers à la Cour de cassation , 3 fonctionnaires de justice) qui délibère pendant trois jours au Ministère de la Justice . La commission se divise: les 3 conseillers votent contre , les 3 fontionnaires votent pour.Pourtant il est établi que les juges ont condamné sur la base de documents faux et le commandant Henry , qui s'est suicidé en prison , a reconnu en être l'auteur. Les conseillers font consigner que selon eux "le faux d'Henry, posstérieur de deux ans à la décision du conseil de guerre ne pouvait avoir influé sur cette décision" et"il résultait des procédures de 1894 que le rôle d'Henry au procès avait été insignifiant" Gast déduit de ce vote que la commission a tranché en faveur de la révision et donc du renvoi du dossier à la chambre criminelle de la Cour de cassation. La question a été controversée. " D"après les usages parlemenataires, le partage des voix équivaut à un refus.Au criminel la règle générale est au contraire que l'avis le plus favorable à l'accusé doit l'emporter" ( Reinach T3 p 203) . Au nom de ce principe, et après d'âpres débats, le Conseil des Ministres votera en faveur du renvoi à la Cour de cassation

N° boîte
B08
N° d'inventaire
D019
Permalien
https://fhju.fr/idurl/1/320


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