Mémoire pour les Préteurs, Consuls & Magistrats de la ville de Strasbourg contre le sieur Cerf-Berr, Juif (1787)


Mémoire pour les Préteurs, Consuls & Magistrats de la ville de Strasbourg contre le sieur Cerf-Berr, Juif, daté de l'année 1787.

Date de publication
1787-01-01
Siècle
18
Régime ou époque
Ancien Régime
Région
Europe de l'Ouest > France
Europe de l'Ouest > France > Alsace
Lieu d'édition
Strasbourg
Pays d'édition
France
Type de document
Imprimé - Imprimés reliés
Langue principale
français
Format
In 8
Nombre de pages
20
Bibliographie
Zsajkowski Zosa « the jewish problem in Alsace , Metz and Lorraine on the eve of the Revolution of 189 p 297 à 310
Mémoire pour les Prêteurs, Consuls et Magistrats de la Ville de Strasbourg contre le Sieur Cerf Berr, Juif, (Paris, Cellot, 1787,13 p in 4) doit se lire en relation avec: Consultation pour M les prêteurs, Consuls et Magistrat de la Ville de Strasbourg concernant les Lettres Patentes du mois de mars 1775 dont le Sieur Cerf Berr , juif , demande l’enregistrement et l’exécution dans la d ville ( Strasbourg , SN , Sd , Le Roux , probablement 1786 , in 8 ( 23 cms ) 64 pages , exemplaire complet du f d’errata Cerfberr, habitant de Bischeim est fournisseur des armées du roi. En remerciement de ses services, il obtient en mars 1775 une lettre de naturalité qui lui permet en particulier « d’acquérir par achat, donation, legs, succession ou autrement , tenir, posséder dans le Royaume tous biens , meubles et immeubles, d’en jouir, faire et disposer » Tout acte royal doit être transcrit sur le registre officiel du Parlement compétent pour être opposable aux tiers dans l’étendue de sa juridiction. Les magistrats peuvent refuser cet enregistrement s’ils jugent l’acte contraire aux lois et coutumes du Royaume. En général, le titulaire d’une lettre de naturalité se contente de demander l’enregistrement au seul Parlement du lieu de sa résidence. C’est ce qu’a fait Jacob de Perpignan qui a obtenu sans difficulté l’approbation du Parlement de Bordeaux.( voir la pièce) Mais Cerf Berr est un entrepreneur dynamique qui n’a pas 50 ans Il sollicite et obtient un enregistrement par le Parlement de Paris et par les Cours souveraines de Lorraine et d’Alsace. Le 3 Janvier 1785, il saisit le magistrat de Strasbourg d’une demande similaire ainsi que l’homologation de l’achat de l’hôtel de Ribeaupierre. La maison seigneuriale est située en plein centre ville sur les quais du Rhin. Le Juge refuse l’enregistrement et l’acquisition de l’hôtel. Cerf Berr ne peut accepter cette rebuffade Préposé des Juifs d’Alsace, il est engagé dans le combat pour l’égalité des droits . Il a fait traduire le livre de Dohm sur l’Emancipation des Juifs, publié en Allemagne en 1782. Il engage aussitôt un procès. Un litige emblématique, à la veille de la Révolution Le rédacteur du mémoire , l’avocat Damours, s’appuie sur le second document , plus épais , une consultation juridique , accompagnée de nombreuses pièces justificatives, établie à la demande de ses clients par 4 avocats au Conseil Souverain d’Alsace : Chauffour l’ainé et le jeune, Schirmer l’ainé et Mueg. Les deux documents diffèrent par le style. Damours volontiers polémique , déverse son éloquence contre les Juifs : » un fléau sous lequel gémissoit une partie de l’Alsace, avec laquelle sa constitution particulière n’a rien de commun « Il réfute l’argument d’humanité que la défense de Cerf Berr développe au nom de l’esprit des Lumières : « Qu’il cesse de vouloir rendre le Magistrat odieux en criant à l’inhumanité et en gémissant sur les malheurs de sa Nation. Quand cette nation n’aura plus pour principe de violer elle même les droits de l’humanité, en ruinant par ses rapines les peuples assez imprudents pour la tolérer, quand elle aura cessé de mériter la qualité d’ennemie déclarée du nom chrétien que lui donne Louis XIV dans son édit du mois de mars 1685, quand les juifs auront cessé de dévorer par leurs usures les contrées où ils sont soufferts, cette nation pourra invoquer les sentiments d’humanité dus à tous les hommes « Ce procès anticipe les débats de la Révolution : peut on émanciper les Juifs s’ils ne sont pas régénérés ? L’argument juridique justifiant le refus d’enregistrement, repris par Damours est développé par la Consultation. L’opposition au souverain n’est pas frontale : « le Magistrat de Strasbourg respecte trop les volontés du Roi pour s’opposer aux grâces qu’il veut bien accorder » Il se défend d’une « résistance coupable à l’autorité souveraine. » Il n’attaque donc pas la légalité de la lettre patente, ce qui eût supposé d’adresser des remontrances au roi. Le Magistrat « leur laisse toute l’autorité qu’elles portent « et reconnaît qu’elle confère à son titulaire le droit d’acquérir des immeubles « dans le royaume et même dans les parties de l’Alsace où les Juifs sont tolérés » Mais la ville se prévaut d’un droit propre « dont elle jouit de temps immémorial et qui lui a été confirmé par nos Rois » : le droit « d’écarter de ses murs et des terres de sa juridiction tous les Juifs qui voudroient s’y établir » Or « il est d’un principe dicté par l’équité naturelle, établi par les lois les plus précises, enseigné par l’unanimité des jurisconsultes, suivi dans les Cours souveraines de justice, que les grâces , privilèges ou récompenses de services accordés par les souverains à des particuliers ne doivent préjudicier à des tiers » C’est au nom de ce principe d’équité naturelle qu’une borne doit être élevée pour limiter les droits que le Roi a conféré à Cerf Berr : le droit immémorial de la ville de ne pas accueillir de juifs La Consultation s’attache d’abord à prouver l’existence de ce droit. Le mémoire plonge dans l’histoire de la ville et de ses relations avec les Juifs depuis les temps les plus anciens. Il s’appuie sur une bibliographie abondante , citée en marge et reproduite partiellement en annexe. Ce récit débute en 1234 : l’Empereur Conrad IV autorise les Juifs , serfs de sa Chambre , d’habiter dans les villes impériales et terres d’Empire. Strasbourg étant une ville impériale, ils peuvent donc y résider et les actes de la ville signalent la présence de quelques familles tolérées en vertu de conventions particulières et de lettres de protection renouvelées d’époque en époque . Mais cette protection impériale s’avère illusoire quand s’abat la peste noire dans l’Europe entière en 1347/1348 : « Malgré la protection de l’Empereur Charles IV, de partie des Princes et Seigneurs, des Magistrats, le peuple d’Allemagne en général, celui de Strasbourg en particulier , les a exterminés par le fer et par le feu en 1349 » Selon la consultation, à la suite de ce grand massacre, un débat s’est ouvert pour savoir qui était en droit de s’approprier les biens des Juifs assassinés : « les Princes , Seigneurs et Villes impériales d’Alsace se sont ligués pour se conserver leur dépouille contre quiconque voudroit leur en contester le droit » Charles IV ayant émis une telle prétention, Il fut alors arrété un droit dit de haut régalien dénommé « supériorité territoriale » : une ville impériale ne peut être forcée par l’Empereur de recevoir les Juifs ; elle a le droit de les admettre sans son concours. Strasbourg a fait usage de cette liberté de gestion en expulsant les juifs de ses murs en 1383. Défense leur est faite d’y passer la nuit : « le son d’une cloche leur donnoit le signal d’en sortir »( Koenigshoffer p 1114) Le mémoire souligne que tout au long de son histoire impériale, la ville a édicté toutes sortes de règlements visant à contrôler les déplacements des juifs et à leur interdire l’achat d’immeubles : « le Magistrat de Strasbourg prouve par les actes les plus authentiques que , depuis 1349, sans interruption jusqu’au moment de sa capitulation ( au roi de France) il a exercé publiquement et paisiblement ce droit » : en 1570, défense à tous juifs de s’écarter de la chaussée impériale en passant sur le territoire de la ville ; en 1639, défense d’entrer dans la ville « sans qu’on fut instruit du projet qui les amène et sans être surveillés par un sergent de ville tant qu’ils y resteront » de multiples règlements interdisent la vente d’immeubles: » il est donc démontré par une suite non interrompue de titres authentiques, qu’au moment de la capitulation de 1681 la Ville étoit en possession depuis trois siècles du droit de ne pouvoir être obligée de recevoir aucun juif à demeure fixe , ni de souffrir qu’ils fissent aucune acquisition d’immeubles , ni en possédassent aucun dans son territoire, ni qu’ils contractassent avec les bourgeois et quelques familles » Puis vient la période française. Strasbourg, assiégée par une armée de 30 000 hommes s’est « donnée à Louis XIV « le 30 Septembre 1681. Selon l’article 2 du Traité de Capitulation, la Ville conserve « tous ses droits, privilèges, statuts et coutumes » Selon les auteurs de la consultation » l’exclusion des juifs constitue « l’un des ses plus précieux droits et privilèges » et « la Ville a continué de jouir de ce droit pendant toute la longue et glorieuse durée des règnes de Louis XIV et Louis XV » Les prohibitions anciennes interdisant de contracter avec des juifs en matière immobilière ont été réitérées en 1700, 1728 ,1738, 1750. Aucun juif n’est admis dans la ville. Certes, la cité a été contrainte sur ordre du roi d’autoriser le séjour temporaire de Moyse Bien et Cerf Berr. Mais ce ne fut que pour les besoins du service des subsistances pendant le temps de la guerre en Allemagne et le Duc de Choiseul , recommandant Cerf Berr au Magistrat prit bien soin de préciser : « De ce que les gens de sa Nation doivent avoir ni bureau ni comptoir à Strasbourg, il ne s’ensuit nullement que vous ne puissiez permettre à ce juif d’y demeurer pendant la saison d’hiver, car il ne s’agit pas ici de tolérer un domicile constant mais une demeure momentanée » Strasbourg est donc confortée dans son droit constant depuis 4 siècles « de ne point recevoir de juif à demeure fixe » Comment dès lors concilier le droit de Cerf Berr de s’établir dans tout le Royaume et le droit de Strasbourg de n’admettre aucun juif ? Les Juristes font valoir que les lettres patentes ne font aucune mention de la ville de Strasbourg. Ils en déduisent que cette permission générale « est aussi subordonnée aux droits particuliers de chaque endroit du Royaume » « Sa majesté en accordant à un aubain des lettres de naturalité lui accorde la faculté de demeurer dans toutes les parties de son royaume, d’y jouir de tous les privilèges du citoyen , d’y exercer ses talents et sa profession, il ne résulte pas de là que toute Ville du Royaume , tout seigneur soient obligés de le recevoir au nombre de ses bourgeois » Le procès va être interrompu par la Révolution . Un Juif régnicole peut il vivre en France où bon lui semble ? La question reste ouverte.
N° boîte
B28
N° d'inventaire
D082
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