Furtado au Grand Sanhédrin: "Vos décisions sont un pacte d’alliance entre la religion et la patrie"

Séance de clôture du 2 mars 1807


Furtado commente le préambule de la déclaration du Grand Sanhédrin . Il entend dans ce discours de clôture « examiner le but politique de cette déclaration et les avantages sociaux que nous devons en attendre » -une condamnation de l’usure: »l’habitude de l’usure, née dans des tems malheureux où la sureté personnelle et la propriété étaient exposées à de fréquentes atteintes,devenait inexcusable sous l’influence d’un gouvernement tutélaire, où elles trouvaient toutes leurs garanties. Il était donc tems que cette habitude si souvent reprochée aux Israélites comme un effet de leur religion reçut par un Tribunal israélite essentiellement religieux la flétrissure qu’elle mérite » « l’entière disparition de toute souveraineté dans Israel » impliquant l'absence de toute revendication politique fondée sur le religion: « Il pouvait rester quelque doute dans l’esprit de ceux qui pensent que la législation de Moise, statuant à la fois sur les devoirs spirituels et les intérêts temporels opposait en vertu de cette réunion, des obstacles invincibles à l’entière incorporation sociale de ce peuple avaec ceux des états qu’il habite. () Le préambule() établit la distinction qui existe entre les lois religieuses et les lois politiques ; il déclare les premières indépendantes de la situation éventuelle des Hébreux et les secondes subordonnées dans leur exécution aux vicissitudes de leur état, au climat, aux mœurs , aux lois des nations. Ainsi quoique l’Israélite orthodoxe puisse croire que toutes les dispositions dont le Code mosaique se compose ont été également révélées, il n’est pas tenu de croire qu’elles sont toutes également obligatoires » « Cette déclaration écarte désormais l’un des obstacles qui ont permis jusqu’à ici les gouvernements de regarder les Israélites comme citoyens - Une sociabilité nouvelle « On voyait presque partout l’Israélite concentrer le cercle de ses affections parmi ceux de sa religion ; on le voyait se rapprocher partout de siens , ne vivre qu’avec eux, ne fréquenter que leur société, n’habiter que la même enceinte, se rallier enfin dans un seul point, comme s’ils eussent à redouter sans cesse des hostilités de la part de tout ce qui les environnait. () Plus cet isolement était grand et plus les liens de la fraternité qui attachaient les Israélites entre eux étaient étroits . Le besoin de ses défendre leur imposait la loi de rester unis e t cette union faisait d’une classe assez nombreuse comme une seule famille ; on en concluait d’une part qu’ils formaient une nation dans la nation ; on pensait de plus que le Juif était cosmopolite, qu’il était citoyen du monde entier et que par cela seul qu’il se trouvait répandu dans tous les pays , il n’appartenait en particulier à aucun ou en d’autres termes qu’il était sans patrie » - un pacte d’alliance entre la religion et la patrie: « Non seulement nous ne formions pas une nation dans la nation mais nous ne formions pas même une religion constituée.L’arbre antique planté par Moise, battu et runié par tant d’orages,ne couvrait plus de son ombre les enfants d’Israel. Combien en effet n’est il pas d’observances tombées en désuétude ? Que sont devenues les grandes solennités du temple de Jerusalem ?Quesont devenues tant de lois sur les sacrifices,sur les conventions matrimoniales, sur les successions, sur l’année sabatique et l’année jubilaire ; sur la pureté et sur l’impureté et sur tant d’autres pratiues dont le souvenir seul s’est conservé dans l’histoire ?N’y a-t-il aucune différence entre un peuple constitué et un peuple dispersé ? » « Nous n’étions que des étrangers à qui les gouvernements donnaient asile »

Auteur
Furtado, M.
Date de publication
1807-01-01
Siècle
19
Régime ou époque
Premier Empire
Région
Europe de l'Ouest > France
Lieu d'édition
Paris
Pays d'édition
France
Thématique
Emancipation
Rabbins
Type de document
Imprimé - Imprimés reliés
Langue principale
français
Format
In 4
Nombre de pages
11
Editeur - imprimeur
Porthmann, imprimeur ordinaire de SAI et R. Madame
Propriété
Collection Nicolas Philippe
Remarques sur le contexte historique

Ce discours de clôture analyse l'esprit et les motifs du Préambule adopté par le Grand Sanhédrin, portant en particulier sur la distinction entre la loi civile et la loi religieuse. Il "entraîne l'abrogation totale de toute la législation civile du judaïsme et (...) frappe de caducité un tome entier du shulhan arukh, le hoshen misphat." (Touati)

"Le nom prestigieux de Grand Sanhedrin donné à celui que convoqua Napoleon 1° en 1807, le nombre de ses membres, leur disposition en demi cercle tiennent à la volonté d'un Empereur qui aimait les fastes et le retour à l'antique" (id p 27) Cette désignation hyperbolique est impropre . Un Sanhédrin ne peut émaner d'une autorité étatique, ses attributions étaient beaucoup plus étendues ( par exemple le pouvoir de déclencher une guerre) Mais " l'usage abusif d'une appellation sacralisée" n'invalide pas pour autant les décisions prises par cette assemblée . Selon l'adage " Eyn qelida ba shemot" ( on ne se braque pas sur les mots)

Les collèges rabbiniques ont le pouvoir de dire souverainement comment une loi juive ( Michna) peut être interprétée. Les décisions doctrinales du Grand Sanhédrin signalent le précédent du synode de Worms qui en 1030 a proscrit la polygamie

Furtado souligne dans son discours que le Grand Sanhédrin a établi une distinction tranchée entre les dispositions religieuses éternellement valides et les dispositions politiques tombées en désuétude. Napoléon tenait à cette formulation. Le philisophe juif berlinois , Moses Mendelssohn avait théorisé cette dualité s'un" Moise à deux têtes" . Le judaisme peut abdiquer ses droits politiques mais en aucun cas ses lois cérémonielles

Bibliographie
Touati, "Grand Sanhédrin et droit rabbinique" in Blumenkranz, Le Grand Sanhédrin, p. 37-39.
N° boîte
B03
N° d'inventaire
D015
Permalien
https://fhju.fr/idurl/1/450


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