Picquart est arrêté: "Demain je retourne à la Santé tâcher de voir le Colonel" Edmond Gast, à Melle Cabarrus,7 août 1898
Lettre d'Edmond Gast, à Melle Cabarrus,7 août 1898
« Je suis, je crains, et j’attends tous les jours toutes les canailleries () Après le courage de Bertulus, la lâcheté de la chambre des mises en accusation dont on ignore encore l’arrêt dans son texte mais qui rejette la compétence du juge d’instruction et qui parait il dans ses attendus déclare qu’il n’ya rien de sérieux à reprocher à du Paty..Ses écritures constantes avec le Uhlan, ses avertissements , ses agissements, la remise du fameux document libérateur, la confection des fausses dépêches faites avec Estherazy et la fille Pays, tout cela n'est rien et désormais ces manières peuvent cadrer avec le fameux honneur militaire !Puis ils déclareront peut être que ces dépêches ne constituent pas de faux ( j’ose espérer que non, toutefois), on relâchera Estherazy et sa fille publique. On déclarera que Leblois ne peut être poursuivi, de cette façon on oubliera le complice civil prétendu des agissements de Picquart et on soumettra ce dernier au huis clos d’un conseil de guerre, on lui reprochera d’avoir montré les lettres à Gonse, et lui infligera cinq ou dix ans de forteresse ! Voilà ce que j’entrevois depuis douze jours et peu à peu celà se réalise et le tour sera joué , la Vérité aura été proclamée ! Misère de misère ! Partir loin , n’entendre plus rien de toutes ces horreurs qui bouleversent tout ce qu’on a de bon en soi, trouver un pays où on puisse respirer , quelque chose comme le Protestant fuyant après la révocation de l’Edit de Nantes ! Quelle triste et sale chose que la vie si elle n’avait pas de recoins où l’on puisse se réfugier, des cœurs sur lesquels on puisse s’appuyer : le votre , ma chère , toute grande d’amitié, de bonté , de tendresse !() Toute la journée , nous parlons de tout cela et à force de ressasser les choses, elles prennent un corps réel dont on s’épouvante. Aujourd’hui, j’ai la distribution des prix . Je leur parlerai à ces enfants , inutilement du reste , de la conscience , de la justice , de la vérité ! Ils n’y comprendront rien , cela amènera peut être des protestations car ce sont des mots qu’il ne faut plus prononcer qu’à voix basse, chez soi , comme lorsqu’on parle d’une chose entièrement défendue (). Demain je retourne à Paris, à la Santé ,tâcher de voir le Colonel car je ne l’ai vu qu’une fois au parloir , il était au Palais et je faisais inutilement le chemin de ce Calvaire Je sais néanmoins qu’il va bien et supporte admirablement ce martyre ! Quelle chance qu’il ait un pareil tempérament car c’est véritablement à devenir fou de voir sans cesse ces toiles de l’araignée d’Etat Major se reconstruire au fur et à mesure qu’il en détruit une ! (). La Justice triomphera quand même ! () Courage et patience ! Les amis de Picquart sont admirables. Trarieux est prodigieux de dévouement.Avec des carctères pareils, on doit vaincre la foule"
- Auteur
- Gast, Edmond (1857-1944)
- Date de publication
- 1898-08-07
- Siècle
- 19
- Régime ou époque
- Troisième République
- Région
- Europe de l'Ouest > France
- Pays d'édition
- France
- Parcours de vie
- Affaire Dreyfus
- Thématique
- Acte judiciaire > Affaire Dreyfus
- Type de document
- Lettre manuscrite
- Langue principale
- français
- Format
- In 8
- Nombre de pages
- 4
- Propriété
- Collection Nicolas Philippe
- Remarques sur le contexte historique
Picquart est arrété le 13 juillet 1898 sur ordre de Cavaignac , ministre de la justice, pour avoir communiqué illégalement des pièces du dossier Dreyfus à son avocat Leblois. Le commandant a provoqué le ministre en indiquant publiquement que celui ci avait fait état devant les députés de documents faux, fabriqués pour nourrir l'accusation contre Dreyfus
Estherazy a été arrété le 11 juillet . le ministre entend le traduire devant le conseil de discipline militaire pour le faire radier de l'armée ; on lui reproche la fabrication de faux
Par ailleurs Picquart a déposé plainte contre du Pty de Clam et le juge d'instruction Bertulus s'est déclaré compétent le 28juillet 1898 (Reinach IV p 92)
- N° boîte
- B08
- N° d'inventaire
- D026
- Permalien
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