David Haar obtient l'autorisation de l'Agence juive de partir en Palestine neuf jours après le coup d'état de Pilsudski, en Pologne. Il est toutefois difficile de croire que Haar veut entreprendre son alya pour cette raison, car Pilsudski n'est pas perçu comme antisémite. Certes, alors chef de l'Etat, il a déclaré le 19 novembre 1918 à la communauté de Jedrzejow à la suite d'un pogrom:" la situation des Juifs est très complexe, les Juifs pourraient la résoudre eux-mêmes en émigrant en Palestine."
Mais à plusieurs reprises, il a condamné l'antisémitisme et suscité la création au milieu de l'année 1925, d'un groupe parlementaire travailliste qui se prononce pour le respect des droits des minorités nationales. Or, les gouvernements en place avant le coup d'état conduits par Grabski puis Skrzynski refusent de supprimer les mesures discriminatoires contre les Juifs : numerus clausus à l'université, ségrégation économique, obligation de repos médical le dimanche... Un accord conclu en ce sens en 1925 avec les représentants de la communauté juive est demeuré sans lendemain.
Les partis juifs et la population ont donc bien accueilli le coup d'état, soutenu par toute la gauche politique polonaise et le centre. Les ministères sont confiés à des intellectuels libéraux qui proclament leur volonté d'oeuvrer pour la justice et l'ordre social.
Dans le journal yiddish Haynt, le député Grynbaum écrit que le nouveeau gouvernement dirigé par Bartel "semble être le meilleur gouvernement, du point de vue juif, qui ait jamais existé en Pologne".
Selon la formule de Korzec, Pilsudski ouvre un chapitre d'"antisémitisme modéré": "Bien que certaines illusions se soient rapidement envolées, il n'en reste pas moins que sous le gouvernement de Pilsudski, la population juive a connu une tranquillité relative: pas de pogroms, pas d'excès antisémites notables. Quelques manifestations hostiles (d'origine surtout estudiantine) seront réprimées énergiquement par le gouvernement". (p. 165)