Le Décret infâme (1808)


Levée du sursis prononcé par le Décret du 30 mai 1806 concernant le paiement des créances des Juifs ; réglementation des prêts ; institution d'une patente spéciale, p. 200-203

Le même jour où il signait le règlement organique, Napoléon prenait un décret très important, relatif aux opérations commerciales des Juifs, à leur admission à domicile et à leur remplacement à la conscription. En voici les articles les plus importants :

  • 1. Le sursis d'un an accordé aux débiteurs des Juifs, le 30 mai 1806, est levé. Mais :
  • 2. Tout engagement souscrit par les Juifs à des mineurs sans l'autorisation de leur tuteur, à des femmes sans l'autorisation de leur mari, à des militaires sans l'autorisation de leur chef de corps, sera nul de plein droit.
  • 3. Le payement d'aucun titre de prêt souscrit au profit d'un Juif ne sera exigible tant que le porteur n'aura pas apporté la preuve que la valeur en a été fournie entièrement.
  • 4. Toute créance dont la valeur sera aggravée par l'accumulation d'intérêts à plus de 5 %, sera réduite. Si l'intérêt excède 10 %, la créance sera déclarée usuraire et annulée.
  • 7. 8. et 9. A dater du 1er juillet aucun Juif ne pourra exercer un commerce, négoce ou trafic quelconque sans avoir reçu, à cet effet, une patente renouvelable tous les ans et révocable en cas d'usure ou de trafic frauduleux...
  • 10. et 11. Tout acte de commerce fait par un Juif non patenté sera nul. Il en sera de même de toute hypothèque...
  • 14. Nul Juif ne pourra prêter sur nantissement à des domestiques ou à des gens à gages...
  • 16. Dans le but de réduire la population israélite d'Alsace, le titre III du décret comprenait, en outre, l'interdiction, à tous ceux qui n'y habitaient pas encore, de s'installer dans les départements du Haut et du Bas-Rhin. Et même ne pouvaient changer de domicile, dans les autres départements, que ceux qui avaient fait l'acquisition d'une propriété rurale et s'engageaient à se livrer à l'agriculture, sans s'occuper d'aucun commerce.
  • Et enfin le décret interdit à la population juive de fournir des remplaçants pour la conscription et spécifie que tout conscrit Juif sera assujetti au service militaire personnel.

Les dispositions du décret étaient exécutoires pendant une durée de dix années, l'Empereur, "espérant qu'à l'expiration de ce délai" et comme résultat des diverses mesures prises à leur égard, il n'y aura plus de différence entre les Juifs et les autres citoyens.

Ce décret vise uniquement les Juifs de l'Est. Par contre ceux "établis à Bordeaux et dans les départements de la Gironde et des Landes, n'ayant donné lieu à aucune plainte et ne se livrant pas à un trafic illicite", n'y sont pas soumis. Les Juifs de Paris en furent également exclus (le 26 avril 1808).

Ce document connu sous le nom de "décret infâme" est l'œuvre, en grande partie, de Portalis, Ministre des Cultes. Il fut vivement combattu par le Ministre de l'Intérieur, Champagny, adversaire, de toute atteinte aux droits civils des Juifs et soucieux de ne pas faire porter par les "manufacturiers ou commerçants honorables" d'entre eux le poids des fautes des usuriers. Mais l'Empereur le signa avec d'autant plus d'empressement qu'il s'était mis en tête de "corriger" les Juifs d'Alsace.

Auteur
Bonaparte, Napoléon
Date de publication
1808-03-17
Siècle
19
Régime ou époque
Premier Empire
Région
Europe de l'Ouest > France
Lieu d'édition
Paris
Pays d'édition
France
Thématique
Finance > Prêts et usure
Type de document
Imprimé - Imprimés reliés
Langue principale
français
Format
In 8
Nombre de pages
31
Editeur - imprimeur
Imprimerie Impériale
Propriété
Collection Nicolas Philippe
Remarques sur le contexte historique

Ainsi vit-on le même homme qui avait promis aux Israélites les bienfaits de l'égalité civile, lancer tout à coup contre eux cet odieux décret du 17 mars 1808 qui les mit de nouveau hors la loi et fit revivre à leur égard quelques unes des plus humiliantes dispositions des ordonnances du Moyen âge. Mais l'opinion publique avait fait de tels progrès que l'exécution de ce décret ne fut pas même possible et que d'exception en exception l'effet en fut presque paralysé.

Halphen, Recueil des lois concernant les Israélites, p. XLII

Bibliographie
Anchel, Napoléon et les Juifs, p. 260-284 et ch. X.
N° boîte
B03
N° d'inventaire
D033a
Permalien
https://fhju.fr/idurl/1/959


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